Coincer la bulle...
Gérard Liger-Belair est le chercheur le plus heureux du monde ! Voilà 20 ans qu’il consacre sa vie à observer des bulles…oui, mais pas n’importe lesquelles ! Celles qui flattent si bien nos sens : les bulles de champagne…
Rencontre avec un expert en effervescence...
Enfant déjà, le spectacle des milliers de billes transparentes qui dansent dans son verre de soda le fascine. Adolescents, c’est encore aux bulles qu’il songe : d’où viennent-elles ? Où vont-elles ? Pourquoi meurent-elles ? À 25 ans, fraîchement diplômé en physique, il envoie aux "dieux de l'effervescence" que sont, à ses yeux d’alors, Coca-Cola et Moët & Chandon, ses clichés de ces perles d'or si magiques, pris selon des techniques de macrophotographie. Il découvre alors, à sa grande surprise, que les processus liés à la formation des bulles dans un vin de Champagne sont restés totalement inexplorés. Il en fera son sujet de thèse qu’il soutiendra en 2001, et plus tard son métier, en devenant enseignant-chercheur à l’université de Reims Champagne-Ardenne. Car cette passion pour la vie secrète des bulles de champagne est toute sauf futile. En 2012, son équipe, Effervescence, Champagne et Applications, est intégrée au sein d’une unité du CNRS et il dirige alors le premier laboratoire dévolu à l’étude des phénomènes d’effervescence et de mousse dans le domaine des boissons à bulles (avec comme application phare, l’effervescence des vins de Champagne).
Une expertise mondialement reconnue
Gérard Liger-Belair est aujourd’hui reconnu comme le spécialiste mondial du domaine et collabore avec de nombreux industriels et grandes Maisons. Ses travaux sur la
formation, l’ascension et l’éclatement des bulles de champagne à la surface du verre se sont révélés riches d’enseignement pour les producteurs du monde entier. Dans chaque flûte de champagne, près d’un million de bulles sont libérées en même temps. Leur apparition et leur mouvement obéissent à des équations, parfois complexes, qui permettent de prédire un certain nombre d’éléments essentiels en dégustation, comme le nombre de bulles produites, leur taille, leur vitesse ascensionnelle, la façon dont elles éclatent et dispersent les arômes du vin...
De scientifique, l’observation de ce ballet énigmatique n’en n’est pas moins esthétique. En témoignent les nombreux clichés, souvent en noir et blanc, que Gérard Liger-Belair continue à leur consacrer. Des photographies d’une beauté abstraite et cosmique.
Du verre à l’univers ?
Des phénomènes physiques similaires se retrouvent en effet dans la nature, comme le confirme le physicien, océanographe de formation : lorsque l'on porte le verre à sa bouche, l'éclatement des bulles à la surface libère de minuscules gouttelettes sur le visage et des molécules aromatiques dans le nez. Exactement comme le font les bulles piégées dans l’eau de mer, sous l’effet combiné des vagues et de la pluie, et qui éclatent à la surface en produisant des embruns. Son équipe a récemment contribué à une découverte majeure, qui rend compte pour la toute première fois de l’existence probable de bulles d'azote qui remonteraient depuis les profondeurs des lacs de Titan, le plus gros des satellites de la planète Saturne.
Des bulles qui nous transportent décidemment très loin…
Gérard Liger-Belair est l’auteur de nombreuses publications scientifiques et de nombreux ouvrages de vulgarisation, dont le dernier, écrit en collaboration avec Guillaume Polidori, « Nouveau voyage au cœur d’une bulle de champagne »,vient de paraitre chez Odile Jacob.
Article publié sur l'Intranet du groupe Martell Mumm Perrier-Joüet